Encore une journée de cours terminée, une journée où j'étais passé inaperçu, où personne ne m'avait réellement adressé la parole. On pourrait croire que c'est plutôt simple d'être une paria.. ça ne l'est pas, ça ne fait que vous blesser...
Mais peu importe. J'entrai donc chez moi et après avoir crié un "y'a quelqu'un ?" et que personne ne me répondit, j'en conclu que je devais être seule à la maison pour l'instant, tout comme la veille où j'étais arrivée la première. Pas que ce fût un problème, la solitude ne me gêne pas, chose que beaucoup trouvent bizarre..
Je me rendis dans ma chambre pour poser mes affaires tel que mes affaires de cours ainsi que mon portable et mes lunettes de soleil. Je redescendis à nouveau dans la cuisine pour prendre quelque chose à grignoter. *alors, qu'est ce qu'il y a dans ce placard ?* pensai-je en fouillant dans le placard destiné à accueillir toutes sortes de sucreries. J'en sortis une barre de chocolat et me servis un verre de jus d'orange pour l'accompagner.
J'étais certaine que si des filles, du genre, des pompom girls, m'avaient vu en train de manger comme cela, elles auraient dit un truc comme: "non mais attends, tu grignotes ? tu manges du chocolat ?!". Mais de toute façon, mon poids n'avait plus grande importance puisque, de toute façon, j'allais grossir...
ça sonnait tellement cliché tout cela, vous ne trouvez pas ?! le populaire qui s'amuse, la paria qui ne résiste pas, la paria qui se retrouve enceinte.. Et oui, il n'y avait aucun doute à ce sujet. La veille, j'avais encore refait un test de grossesse, espérant que le résultat serait négatif. ce fameux test était surement encore dans la poubelle de la salle de bain..
Triste et énervée, je finis mon goûter en vitesse, soudainement pressée de pouvoir m'enfermer dans ma chambre.. dans mon monde à moi.
Une fois arrivée, je mis un peu de musique, le choix ne fût pas compliqué : j'écoutai cette chanson en boucle depuis des jours. Without you de Hinder. La chanson parlait d'amour, bien sûr, mais pas exactement.. plutôt de l'après rupture, le chanteur affirmant qu'il s'en sortait mieux qu'il ne le pensait, qu'il était mieux sans son ex..; si seulement je pouvais ressentir la même chose ! Mais impossible, je ne pouvais pas l'effacer, ni l'enlever de mon esprit, ni effacer ce qui c'était passé entre nous deux..

▬ And every time it cuts me deeper, chantai-je en même tant que le chanteur.

Je parti ensuite fermer la porte de ma chambre, puis m'installa confortablement sur mon lit, serrant mon ours en peluche préféré contre moi. Oursinou avait toujours été là pour mes chagrins, pour chacune de mes blessures, il avait été là.. J'avais toujours pu lui parler ( et oui, mon ours en peluche est le meilleur confident que je n'ai jamais eu !) et pleurer sur son épaule en cas de besoin.. ça en devenait encore plus désespérant, que de savoir que la seule personne qui est là pour vous est un ours en peluche. Bon, d'accord, j'exagère, j'ai de très bons amis.. d'accord, j'ai un meilleur ami. Mon London.. qui risque fortement de m'arracher la tête quand j'oserai lui avouer que... Je ne pouvais même pas y penser tellement c'était terrifiant. Je me concentrai alors sur la musique.

▬ Its safe to say that I’m ready to let you leave, continuai-je à fredonner.

Si seulement j'avais pu le laisser partir, si seulement j'avais été responsable, que je n'avais pas cédé à ces avances. Si seulement je n'avais pas été si naïve... Quand mes murmures de paroles commencèrent à devenir des sanglots, j'éteignis la musique, n'ayant pas envie de pleurer, surtout pas pour lui, lui qui m'avait fait du mal.. qui n'avait fait que jouer ! Comment avais-je pu être aussi débile ?! Croire qu'un garçon comme Phoenix pouvait s'intéresser à moi.. Je n'étais qu'une idiote, qui en plus de cela était enceinte d'un mois maintenant, qui n'avait rien dit à personne, qui allait se retrouver seule. Instinctivement, je poussai une main sur mon ventre, j'avais encore du mal à réaliser ce qui était en train de se produire en moi..
Je respirai longuement, luttant contre les larmes. Je n'allai pas pleurer, j'allai être forte, je ne devais pas pleurer...

Ma chambre était calme, j'étais assise sur mon lit, mon ours en peluche préféré dans mes bras, je ruminai mes soucis... Quand la tempête Elvina vint dévaster la paix que j'avais essayé de construire. Ouvrant ma porte telle une vraie furie, elle arriva vite devant moi. Je sursautai en la voyant si furieuse, me demandant ce qui pouvait bien se passer. Puis, je vus ce qu'elle tenait dans sa main et à partir de ce moment, mon cerveau n'était plus entièrement connecté, il s'était automatique mis sur "pause". J'entendais tout de même ce qu'elle me disait, m'accusant de ne pas connaitre le terme "préservatif" ou me briefant même sur les MST que pouvait avoir le garçon avec qui j'avais stupidement couché. Si elle voulait me faire la morale, merci bien mais non merci. J'avais eu des cours d'éducation sexuelle au lycée, c'était bien assez. Et elle n'était pas spécialement la mieux placé pour parler de sexualité, tout le monde savait qu'elle avait déjà couché avec son copain et j'étais quasiment sûre que, dans le feu de l'action, elle même avait dû oublier de se protéger au moins une fois ! Et pour information, le préservatif était à sa place ce jour là !
Mais là n'était pas la question. Le fait qu'Elvina avait tout découvert était bien plus important que n'importe quoi d'autre. Le premier sentiment, que je ressentis, fût bien entendu la tristesse. Le fait que quelqu'un soit au courant rendait la situation bien réelle, comme si avant ces dernières minutes, le fait d'être enceinte ne représentait qu'un mauvais rêve que j'avais pu faire en boucle depuis une semaine... Et l'espace d'un instant, les larmes me montaient aux yeux.
Deuxième sentiment, la peur. Comment allait-elle me voir après ça ?! comment allait réagir le reste du monde en l'apprenant ?! comment toute cette histoire allait se dérouler ?! Mais la peur ne dura qu'une seconde, puisque le troisième sentiment arriva bien rapidement.
La colère. J'étais en colère, contre moi, contre Elvina, contre Phoenix et même contre le monde entier. Moi et ma grande sœur n'avions jamais été proches, nous l'étions toujours pas (question de rivalité, que voulez vous ?) et je ne comprenais pas ce qui la poussa à s'asseoir près de moi pour me demander depuis combien de temps j'étais au courant de ma situation. Je posai donc mon ours sur mon lit et me leva, sûrement aussi furieuse que quand Elvina avait ouvert ma porte. Je me dirigeai vers ma fenêtre, tournant le dos à ma sœur. J'arrivai vite près du mur et je regardai dehors pendant une seconde, essayant d'imaginer comment allait se passer ma petite vie après ça... Puis je tapai le mur de ma main, pas d'une violence ou d'une force extrême. Disons que c'était juste pour signaler mon mécontentement.
Je me retournai alors vers ma sœur, luttant contre les larmes qui menaçaient de s'immiscer dans mes yeux, la colère était toujours là bien sûr, mais une tonne d'autres sentiments avaient fait leur apparition.

▬ Elvina, tu dois me promettre de ne rien dire à personne ! Si tu oses le dire à quelqu'un, je te jure que je te découpes en petit morceau et que je te donne à bouffer aux chiens ! la menaçai-je.

Je pouvais dire beaucoup de menaces, mais il n'y avait pas plus pacifiste que moi ! Je n'osai même pas tuer les pauvres petites araignées qui s'égaraient dans ma chambre. Je me rappelle d'ailleurs en avoir "adopter" une. J'avais cinq ans et je l'avais appelé Claudia, elle est restée pendant une semaine dans ma chambre, cachée contre un mur. Après quoi, ma mère l'a tué ! Mais passons, ce n'était pas le sujet.
J'essayai alors de me calmer... en vain. La colère amenait mon côté sarcastique bien plus facilement, bien que je le sois à longueur de journée. Je lui lançai donc -sur ce ton sarcastique qui fait enrager un peu tout le monde:

▬ Je le sais depuis une semaine environ ! Contente ? Tu veux plus de détails ?!

Le fait qu'Elvina déclara qu'elle ne dira rien à personne m'aida quelque peu à me rassurer. Vraiment un tout petit peu : elle avait réussit à découvrir ce secret et bientôt, tout le monde le saura quand mon ventre commencera à grossi.. Qu'allais-je pouvoir faire ? Je n'eus pas le temps de réfléchir plus à la question, puisque ma sœur était énervée. Comme quoi, mon ton sarcastique a vraiment le don pour mettre tout le monde en pétard ! J'écoutai ce qu'elle me disait mais j'étais à l'ouest : ça passait par une oreille, ça ressortait par l'autre. Mon monde entier venait de s'écrouler et je me rendais compte que toute ma famille réagirait ainsi : ils seraient tous en colère contre moi ! Mes amis aussi, ils m'en voudraient parce qu'ils m'avaient prévenu maintes et maintes fois que ce garçon n'était pas pour moi. Lui même, comment réagira-t-il en apprenant la nouvelle ? Il m'en voudra, me détestera et me laissera et je deviendrais une mère célibataire en moins de temps qu'il le faut pour le dire !

Faire le test au lycée ? j'en avais fait trois au lycée, je me suis dit qu'il ne fallait pas trop tenter la chance : personne ne l'avait su là bas, mais c'est au lycée que les rumeurs vont le plus vite ! Une seule personne l'aurait appris et tout Nosburya Beach serait en train de me désigner du doigt !
Elvina continua sur le fait qu'elle pouvait comprendre et bla bla bla, j'écoutai distraitement. Non, elle ne pouvait pas comprendre, moi même, j'avais encore du mal à comprendre. Dès notre naissance, on devrait nous dire que le sexe est interdit avant 21 ans, comme ça, il n'y aurait plus ce genre de problème, ça serait bien plus simple ! Plus de risques inutiles et au moins, on serait sûr que les gens ne jouent pas un jeu débile avec vos sentiments !
Quand je recommençai à écouter ce qu'elle disait ( j'avais pris pour habitude de ne pas l'écouter depuis qu'elle avait débarquée dans la maison ! ), j'entendais seulement la fin de sa phrase « suis là. Tu restes ma petite sœur après tout et crois-moi, j'aurais aimé que cela ne t'arrive pas surtout quand je te vois là maintenant ». Je soupirai et retournai m'asseoir sur mon lit, près de ma grande sœur. Je la regardai et dit sur un ton très calme mais aussi plutôt moqueur :

▬ Tu as dit tellement d'aberrations dans ton monologue que je ne sais même pas par où commencer !

Bien entendu, j'avais utilisé mon petit sourire spécial sarcasme... être comme cela, me montrer sarcastique, dure et même parfois garce, c'était mon seul système de défense, la seule chose qui pouvait me préserver des choses dures, comme par exemple le genre de choses qui m'arrive en ce moment même, ou bien, pour supporter les moqueries et tout ça... j'avais forgé une carapace et je ne n'avais presque jamais baissé ma garde, laissé tomber le visage de glace. Mais d'un côté quand on connait mon passé, ça semble plutôt logique non ? En parlant de passé...
Ma mère biologique me revint à l'esprit, pas physiquement bien sûr puisque je ne me rappelai plus de son visage, mais de ce qu'elle m'avait fait : elle avait préféré la drogue à sa fille... et si je devenais comme ça, moi aussi ? Je repensai à Savannah -ma petite sœur, toujours insouciante et innocente dans ce monde de fous- sa mère biologique n'avait que 16 ans quand elle a accouché et Elvina, ces parents.. ce n'était qu'une histoire d'un soir.. J'étais comme nos mères: j'étais un mélange d'elles... J'aurais pourtant dû prévoir que cela m'arriverait.. telle mère, telle fille, non ?
Je ne sais pas si Elvina remarqua mon changement d'attitude, mais j'avais, instinctivement, baissée la tête et les larmes m'étaient montées aux yeux.

▬ Oh, mon dieu... Je suis comme ma mère biologique.. comme celle de Savannah.. comme la tienne...

Et sans m'y attendre, j'éclatai en sanglots. J'étais comme ma mère biologique et à mon tour, j'allai abandonner mon enfant pour profiter de ma jeunesse, j'allai décevoir mes vrais parents.. Cette histoire me hanterait toute ma vie, quoi que je fasse... et le pire dans cette histoire ? la situation la moins douloureuse me semblait la plus improbable : garder l'enfant.

Moi qui avait toujours voulu éviter cela, c'était pourtant arrivé : j'étais un monstre.




HJ: pas de problèmes ! =)